Première possibilité : l’expertise a été initiée par une compagnie d’assurance, la vôtre ou celle de votre adversaire. Dans ce cas vous êtes convoqué par le médecin désigné par la compagnie d’assurance qui établira un rapport dont vous pourrez éventuellement contester les conclusions si elles ne vous paraissent pas refléter la réalité de vos préjudices.
Deuxième possibilité : un Juge a nommé le médecin expert ; vous êtes dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’expertise judiciaire est une mission d’information technique médicale confiée par un Juge à un médecin.
L’Expert sera amené à intervenir dans le cadre d’une procédure civile, d’une procédure administrative ou d’une procédure pénale. L’Expert devra se prononcer sur la réalité des dommages, leur lien de causalité avec l’accident médical et la conformité ou non des soins à l’obligation de moyen du médecin. Son but est de donner aux magistrats un avis technique portant sur la nature et l’importance des préjudices patrimoniaux (pécuniaires) et extra-patrimoniaux (autres que pécuniaires), consécutifs aux faits motivant l’expertise.
Cette expertise est très importante, car c’est sur ses conclusions que le Juge va s’appuyer pour reconnaître la réalité de votre dommage, quantifier son importance et fixer les indemnités que vous devrez percevoir. Rappelons que le Juge n’est pas lié par les conclusions du rapport d’expertise et qu’il peut en conséquence s’en détacher ; il s’agit là de son pouvoir souverain d’appréciation.
Vous devrez donc apporter à votre expertise la plus grande attention et bien vous rappeler que l’Expert n’est pas obligatoirement un enquêteur qui partira à la recherche des informations manquantes. Il est un médecin qui va fonder son évaluation sur les pièces qui lui seront soumises et sur l’examen qu’il pratiquera. D’où l’importance de lui fournir un dossier médical aussi complet et ordonné que possible.
L’expertise civile est réglementée par le code de procédure civile qui fixe les règles relatives à la désignation des Experts et à la conduite des expertises.
Un tribunal administratif sera amené à ordonner une expertise médicale en cas de dommages corporels impliquant la responsabilité de l’administration. Celle des hôpitaux publics relève de cette juridiction.
Les expertises judiciaires sont réalisées, autant pour les juridictions civiles que pénales, par des experts inscrits sur la liste établie par les Cours d’Appel et la Cour de Cassation. Ces expertises judiciaires relèvent d’une procédure stricte et spécifique.
Le Juge peut choisir un expert ou plusieurs experts pour la réalisation de la même mission. Dans l’expertise civile, vous pourrez être accompagné d’un médecin conseil de victimes, et vous, votre médecin et votre avocat recevrez une copie du rapport.
Troisième possibilité : la CCI a nommé le médecin expert ; sur la forme la procédure d'expertise est proche de la procédure judiciaire.
Quelle que soit la nature de l’expertise, il vous faudra la préparer. Nous allons ici vous livrer quelques conseils qui, si vous les suivez, devraient vous aider à obtenir une juste reconnaissance de tout ce qui vous est arrivé et des séquelles que l’accident a occasionnées.
Premier objectif : bien reconstituer l’historique de votre accident et les soins qui en ont découlé. C’est là que la qualité du dossier médical que vous avez obtenu, vérifié, ordonné, va jouer tout son rôle.
Un Expert qui reçoit un dossier bien préparé, ayant regroupé par ordre de dates :
les comptes rendus d’hospitalisation et de consultations auprès de médecins spécialistes libéraux
les comptes rendus des examens complémentaires, et les examens eux-mêmes, pour la biologie et les radiographies, scanner et IRM
les ordonnances
les certificats:
les certificats médicaux descriptifs
les certificats d’arrêt de travail et de prolongation d’arrêt de travail
le certificat de consolidation
pourra facilement se faire une idée précise de ce qui est arrivé et donc estimer justement les événements thérapeutiques.
Deuxième objectif : préparer la liste des doléances que vous aurez à formuler. Plus l’accident a été grave, plus il va être difficile de bien décrire ses séquelles et d’en préciser le juste niveau. C’est pour cela qu’il vous faut y réfléchir avant de vous rendre à l’expertise. N’hésitez pas à rédiger un texte dans lequel vous noterez et ordonnerez l’ensemble de vos doléances. Le mieux est sans doute de suivre un ordre logique pour réaliser la description de vos principaux préjudices.
Vos atteintes physiques : vous pouvez commencer par tout ce qui concerne vos lésions physiques en décrivant sur le plan anatomique tout ce qui altère vos capacités de mouvements et déplacements, puis d’en préciser les retentissements fonctionnels et les conséquences sur votre vie privée et professionnelle. Commencez toujours par les séquelles les plus importantes en évitant de vous noyer dans les détails
La symptomatologie séquellaire : vous décrirez ensuite tous les symptômes que vous ressentez et qui n’existaient pas avant l’accident : vertiges, maux de tête, troubles digestifs, cardiaques, pulmonaires, etc. … C’est à ce niveau que vous pourrez aussi parler des conséquences psychologiques du traumatisme que vous avez subi. Vous étayerez vos dires en décrivant les consultations qu’ont nécessitées ces troubles, et les traitements qui vous ont été donnés.
Les douleurs endurées : vous aborderez ensuite les douleurs dont vous avez souffert au moment de l’accident, pendant l’hospitalisation, au retour à votre domicile, pendant la rééducation, et préciserez celles qui subsistent et les médicaments que vous devez prendre pour les atténuer.
Le retentissement esthétique : si vous avez des cicatrices particulièrement disgracieuses, vous pouvez prévoir d’en prendre des photographies que vous remettrez à l’Expert. Il sera important que vous puissiez bien raconter les conséquences de ce préjudice esthétique, aussi bien dans votre vie privée que dans votre vie professionnelle.
Le préjudice d’agrément : il se définit comme l’impossibilité de se livrer à une activité ludique ou sportive, mais aussi comme la privation de certains agréments de l’existence. Il va donc vous falloir signaler les « bons moments de la vie » qui ne vous sont plus accessibles. C’est le footballeur privé de ballon, le skieur qui doit abandonner les pentes, l’amateur de piano qui ne peut plus jouer. La prise en compte de ce préjudice sera d’autant plus importante que le niveau auquel vous pratiquiez votre loisir était élevé. N’hésitez donc pas à réunir photos, articles de presse, licences, témoignages qui attesteront de votre implication dans la discipline qui était votre détente et que vous ne pouvez plus exercer.
Le préjudice sexuel : aborder ce préjudice n’est pas chose aisée, et en parler devant plusieurs témoins lors de l’expertise demande beaucoup de courage. Et pourtant, si cela est votre cas, vous devrez le faire. Nous vous conseillons de l’aborder en évoquant successivement :
votre désir sexuel : est-il conservé, diminué, anéanti ?
votre capacité à pratiquer l’acte sexuel : est-elle conservée, diminuée, limitée à certaines pratiques ?
votre capacité à arriver à l’orgasme : est-elle conservée, diminuée, anéantie ?
votre potentiel de procréation : a-t-il été remis en cause par l’accident ?
Le retentissement professionnel de votre accident : vous aurez, en retraçant l’historique de votre accident et de vos traitements, précisé les dates de vos arrêts de travail, de vos reprises à temps partiel et de votre reprise définitive. L’important est que vous puissiez expliquer ce que l’accident a changé dans votre vie professionnelle.
Les aides nécessaires : il s’agit des aides dont vous avez ou avez eu besoin pour assurer une vie normale et la réalisation des gestes essentiels du quotidien ; c’est ce que l’on appelle le besoin en « tierce personne », ou encore « le besoin en aide humaine ».
Vous aurez à quantifier ce que cela représente en nombre d’heures d’aide par jour et par semaine, et éventuellement vous n’hésiterez pas à fournir les témoignages écrits des personnes qui vous auront apporté cette aide. Si ce recours à une tierce personne vous a été facturé, vous fournirez les copies des factures. Mais ce n’est pas parce que vous avez fait appel à des proches ou à des amis que ce recours à une tierce personne, rendu nécessaire par l’accident, ne doit pas être indemnisé.
Votre chiffrage des horaires et les témoignages vous y aideront.
Vous aurez pris soin de bien repérer les lieux afin de ne pas arriver en retard. Le nombre de personnes présentes dans le cabinet du médecin expert va dépendre du type d’expertise à laquelle vous avez été convoqué. S’il s’agit d’une expertise demandée par l’assureur de votre adversaire, vous serez probablement seul face au médecin expert, ou accompagné de votre médecin conseil de victimes et/ou de votre avocat. S’il s’agit d’une expertise dans le cadre d’une procédure judiciaire, il en sera tout autrement, chaque partie pouvant être accompagnée d’un médecin conseil et d’un avocat. Face à tous ces professionnels rompus aux procédures d’expertise, vous risquez de vous sentir bien seul et un peu perdu si vous n’avez pas fait le choix de vous faire aider par votre propre avocat et/ou par un médecin conseil.
Les médecins experts peuvent être deux, voire trois, avec chacun une spécialité différente, en particulier si l’évaluation de votre préjudice nécessite des compétences variées. L’expertise se passe en général suivant un rite assez établi. Le médecin expert va vérifier votre identité, puis vous demander de retracer les faits. Soyez méthodique en décrivant successivement les différentes étapes de votre histoire médicale.
Durant la seconde phase, vous aurez à exprimer « vos doléances ». Soyez naturel, méthodique, aussi complet que possible, sans vous perdre dans le détail.
Puis va venir le temps de l’examen proprement dit. Vous allez devoir vous dévêtir afin que l’Expert puisse observer vos séquelles. A la fin de l’examen, le médecin expert vous libèrera après vous avoir posé les dernières questions, et parfois vous avoir donné ses premières conclusions. Il est possible qu’alors que vous quittez les lieux, les autres personnes présentes restent avec le médecin expert. Ceci n’est pas une règle, mais il arrive en effet parfois que l’Expert et les parties « discutent » de votre cas après que vous vous soyez retiré et évaluent ensemble ce que pourraient être les conclusions de l’expertise.
On voit bien là qu’une victime non accompagnée d’un avocat et/ou d’un médecin de recours, va laisser le médecin expert sous « la pression » des représentants de la partie adverse. Certes, bon nombre d’experts ont suffisamment d’impartialité, d’expérience et de compétence pour garder intact leur libre arbitre ; cependant il y a là un risque de déséquilibre des représentations que les victimes peuvent prévenir en prenant le soin de se faire accompagner d’un avocat et/ou d’un médecin de recours qui, par sa présence lors de la séance post-expertise, assurera l’équilibre de la discussion.
Un rapport sera rédigé par l’Expert, en général dans les 2 mois qui suivent l’expertise. Parfois, et en particulier lorsqu’il s’agit d’expertise judiciaire, le médecin expert établit un « pré-rapport » qu’il adresse aux parties concernées ; celles-ci pourront ainsi faire des observations sous forme d’un « dire » que l’Expert est tout à fait libre de valider ou d’invalider. Ensuite sera édité le rapport définitif sur lequel s’appuiera la compagnie d’assurance ou le Juge pour fixer l’indemnisation.
Vous trouverez dans ce rapport tous les chapitres déjà évoqués. Il n’est pas rare qu’un rapport puisse faire une vingtaine de pages. Lisez-le avec attention et communiquez vos remarques à votre conseil. Vous y trouverez, au chapitre conclusion, le résumé de l’évaluation que le médecin expert fait de vos préjudices. Il conviendra de vérifier qu’ils ont bien tous été pris en compte ; ensuite l’importance attribuée à chacun pourra être discutée avec votre conseil.
Vous pensez que les soins médicaux dont vous avez bénéficié ou que vos proches ont reçus n’ont pas été conduits comme ils auraient dû l’être et/ou qu’ils ont été à l’origine de préjudices qui n’auraient pas dû survenir.
Votre situation est originale ou complexe et vous souhaiteriez bénéficier sans engagement de votre part d'un conseil personnalisé : n'hésitez pas à nous contacter. Nous vous appellerons.